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mise à jour le 07/11/2024, mise à jour concernant les outils de réduction des vibrations
C'est grâce à de multiples partages que notre coopérative Shellopan s'est construite depuis 2010. Poursuivant cet esprit de partage de tout ceux qui nous ont aidé à progresser, nous avons choisi de publier les informations qui nous semblent les plus utiles à toute personne qui s'intéresse à la fabrication de handpan.
- Conflit juridique en cours, status actuel et perspectives... (mise à jour du 24/10/2024)
- Les coques, point de départ de tout projet de fabrication de handpan
- Notions concernant la nitruration
- Physique des matériaux et importance de l'approche scientifique
- L'atelier et L'outillage
- Se protéger : équipements individuels
- Réduire les vibrations lors du martelage pneumatique (mise à jour du 24/10/2024)
- Ressources de formation en vidéo
1) Conflit juridique en cours, status actuel et perspectives... (mise à jour du 24/10/2024)
Face aux nombreuses histoires et légendes entourant le conflit entre PANArt et la communauté du handpan, il me (Matthieu Shellopan) semble important d’écrire pour ne pas laisser trop de légendes prendre la place de l'Histoire… Pour contextualiser les éléments d’analyse que je pourrais être amené à formuler, j’écris et tant qu’acteur professionnel et passionné de la communauté du handpan. Mon activité de maker est basée en France et elle a été totalement inspirée par mes rencontres chez PANArt débutées il y a près de 20 ans. Le développement de mon activité se fait depuis plus de 10 ans au sein de la communauté internationale du handpan et j’ai été le premier fabriquant/revendeur de matière première (shellopan shells) en Europe entre 2014 à 2018. A mon avis, le handpan poursuit depuis plus de 10 ans une émancipation progressive par rapport au Hang. En effet, alors qu’il fut totalement inspiré par le Hang, cette sculpture sonore volontairement minimaliste, toujours intuitive et proposant un son et un "kick" inimitable, le handpan quant à lui poursuit un chemin tendant plus vers celui des instruments de musique à la tessiture devenant plus large et proposant des façons de jouer qui font l’objet de méthodes d’apprentissage. Le timbre sonore du handpan laisse moins de place aux « modulations » (terme utilisé par PANArt pour décrire leur approche du son) pour se concentrer sur un son plus cristallin permettant d’augmenter le nombre de notes… Mon propos n'est pas de dire que l’un serait mieux que l’autre mais plutôt que Hang et Handpan deviennent de moins en moins comparables ! Cette question de l’émancipation, jugée suffisante ou insuffisante, évoluant naturellement ou étant trop lente, est le sujet de fond d’un débat qui est malheureusement devenu un conflit juridique…
photo d'un handpan et d'un Hang illustrant la question de l'inspiration ou du plagiat.
En 2020, l'entreprise PANArt en Suisse a engagé des démarches en Allemagne visant à faire reconnaitre leur droit d'auteur sur le Hang qu'ils considèrent être une « œuvre d'art appliqué ». 20 ans après la création du Hang, la demande d'émancipation qu’ils formulaient à destination des fabricants de handpans était désormais devenue bien plus contraignante que ce qui avait déjà été demandé par le passé (exemple des cas de Bellart en Espagne et EchoSoundSculpture en Suisse). Cette nouvelle vague d'action en justice pourrait s'expliquer par une opportunité juridique permise par la justice européenne (voir l'arrêt Brompton de la CJUE en 2020). L’argumentation de PANArt s'appuie notamment sur une expertise technique du Docteur Anthony ACHONG à laquelle un petit groupe de makers avait souhaité apporter une réponse sous la forme d'une lettre ouverte à la communauté de l'accordage de l'acier. En formulant cette lettre ouverte, l’idée était de tenter d’avoir une discussion sincère autour des éléments fonctionnels et esthétique du Hang qui sont d’une grande importance concernant le droit d’auteur. Cette initiative est restée sans suites, peut-être faute de disposer d’une voix représentative de l’ensemble de la communauté du handpan et d’une absence de volonté de discuter de cela par PANArt. Le seul lieu pour poser le débat ne pouvait donc devenir qu’un tribunal.
Pour faire face au risque de création de plusieurs précédents juridiques qui auraient été en défaveur des acteurs professionnels du handpan, une initiative collective prétendant représenter la « communauté unie du handpan » fut fondée sous le nom de HCU. Une collecte de fond fut organisée pour intervenir juridiquement en défense d’un revendeur de handpans en Allemagne (world of handpan / handpan world) et pour mener une « attaque préventive » contre PANArt. Différents dossiers indépendants se sont regroupés ou ont été mis en attente de ce qui allait devenir l’affaire principale : l’attaque organisée par HCU contre PANArt, menée à Berne (CH) et contestant le fait que le Hang puisse bénéficier d’un droit d'auteur. Chaque partie entra dans des positions devenant conflictuelles, PANArt décida de répondre au fait d’être attaqué en contraignant des makers suisses à s’associer au procès (par l’envoi de lettre de mise en demeure de mettre fin à leur activité) et en réalisant une saisie dans les ateliers d’Ayasa au Pays-Bas (fabriquant de handpans et de matière première).
Durant toute la première phase du procès, la stratégie d’attaque de HCU était de développer une argumentation pour faire en sorte que le Hang ne puisse pas bénéficier d’un copyright. Elle consistait à démontrer que le Hang aurait été découvert par chance, sans démarche créative et que son évolution depuis le premier prototype n’était que le fruit de choix techniques. En tant que maker de handpan ayant été inspiré par les travaux de PANArt, je ne me sentirais évidemment pas à l’aise si je devais tenir un tel discours ! Mais il n’y avait malheureusement pas de solution alternative car aucune approche plus diplomatique n’avait trouvé le moyen d’atteindre PANArt et de nombreux acteurs du handpan durent juste accepter de suivre cette stratégie HCU ou de rester silencieux. Il devenait aussi délicat durant cette période de proposer de nouvelles formes pour les instruments car cela aurait pu porter préjudice à la stratégie juridique choisie par HCU (stratégie partant du postulat que la forme n’est que la conséquence de choix fonctionnels, tout changement de forme serait au détriment de la qualité ou conduirait alors à la création d’un autre instrument de musique).
L’issue de la première phase du procès survint le 2 juillet 2024 et sembla 100% positive pour PANArt. Elle valide la reconnaissance du Hang en tant qu’œuvre d’art appliquée identifiée par sa forme lenticulaire, son Ding et Gu en position centrale et les notes placée en cercle autour du Ding. La stratégie de HCU visant à présenter le Hang comme étant la conséquence de choix techniques ne justifiant aucune protection par le droit d’auteur a échoué tout en consommant un budget probablement élevé pour les deux parties (HCU avait indiqué publiquement que le budget initial annoncé par leurs avocats était de 250k€ pour toute la procédure, mais de nombreux observateurs indiquent que le budget a été multiplié par 3). La lecture de tous les documents publiques publiés à cette date laisse apparaitre un manque de travaux scientifiques contredisant les publications scientifiques venant en soutien à PANArt et qui ont été mentionnées à plusieurs reprise par le juge, cela peut participer à expliquer l'échec de la procédure.
Le 5 septembre 2024, la majorité des membres impliqués dans le procès ont décidé faire appel de la décision du tribunal de Berne d’accorder la reconnaissance du droit d’auteur à PANArt. Beaucoup d’acteurs de la communauté du handpan reconnaissent que PANArt mérite d’avoir un copyright sur sa création et continuer à dépenser des sommes conséquentes en frais de justice pour retarder ou empêcher cette reconnaissance est un combat peu honorable. Je ne dispose d’aucune information sur la stratégie juridique déployée lors de cet appel mais il semble à nouveau qu’aucun travail de recherche scientifique n’ait été mené pour contrer les publications de Achong et Steppat en faveur de PANArt. Je ne vois donc pas comment une issue positive à cette requête en appel serait atteignable et il est possible que la stratégie soit simplement de faire durer la procédure et/ou de la rendre couteuse. La décision de faire appel appartenant aux membres impliqués et ne se faisant pas au nom de la communauté du handpan, je n’ai pas d’avis publique à formuler ce sujet mais cette une procédure qui retarde la connaissance dont tous les makers ont besoin pour savoir précisément ce qui sera considéré par un juge comme étant du plagiat ou pas.
En réponse à cette procédure d’appel, PANArt envoya une dizaine de jours plus tard un mailing à plus d’une centaine de makers et revendeurs en Europe pour leur indiquer qu’ils entendaient faire valoir leurs droits en cas de victoire lors de la procédure d’appel. Le fait de ne pas savoir savoir précisément ce qui sera considéré par un juge comme étant du plagiat ou pas fut alors utilisé come une ambiguité stratégique par PANArt dans son mailing. En réponse à cette lettre de PANArt, HCU annonce porter plainte contre PANArt car il serait sous-entendu dans cette lettre que tous les handpans seraient des contrefaçons… Cette dernière approche me semble très procédurière et je ne sais pas en quel nom elle est portée. Si c’est au nom de la communauté du handpan, cela me poserait un problème d’absence de choix démocratique. L’abus des procédures juridiques pourrait à mes yeux être perçu comme de l’acharnement et attirer la sympathie des juges envers PANArt. Pour mieux comprendre cette notion d’acharnement, il faut se rappeler qu’une autre affaire avait été menée en parallèle par « world of handpan » avec les mêmes avocats que ceux de HCU contre la marque déposée « Hang » qui constitue probablement l’action la plus irrespectueuse qui restera associée à notre communauté (World of handpan fut le déclencheur qui obligea la communauté du handpan à réagir contre PANArt en 2020, il fut aussi un des tous premiers à avoir bénéficié de l’argent collecté par HCU… tout cela alors que personne n’avait envie de soutenir son business considéré comme agressif et qui utilisait ostensiblement les mots clés liés au Hang pour sa visibilité). Cette affaire débutée en novembre 2023 et qui peut aisément être qualifiée de stupide, s’est soldée par une victoire pour PANArt qui reste bien propriétaire de la marque Hang.
Plutôt qu’un acharnement procédurier, c’est une poursuite du travail de HCU vers la « phase 2 » de la procédure juridique qui m’eut semblée être nécessaire car une décision de justice définitive est préalable à une coexistence pacifique entre PANArt et les acteurs du handpan (quel que soit cette décision, c’est un arbitrage qui est devenu nécessaire). HCU, en tant structure autoproclamée crée dans l’urgence en 2020, gagnerait à clarifier sa position face aux conflits d’intérêts qui se développent dans son organisation. Soit HCU veut devenir représentatif de la communauté du handpan (comme son nom l’indique) et devra alors mettre en œuvre des procédures démocratiques lui permettant d’être véritablement représentatif de ses membres et de rendre compte de façon transparente des conventions permettant à certains de ses membres décisionnaires d’être en même temps des bénéficiaires. Soit HCU n’est plus que représentatifs des membres impliqués dans le procès couvrant la Suisse, l’Allemagne et les Pays-Bas et risque de faire face à de plus en plus de défiance car les conflits d’intérêts vont opposer la défense du business de certains de leurs membres impliqués et la défense du meilleur futur pour l’environnement global du handpan. Actuellement, en choisissant de faire durer le dossier le plus possible et en le rendant particulièrement couteux, stratégie assez classiquement proposée par des avocats, HCU retarde l’arrivée d’informations nécessaires pour tous les makers et les expose dangereusement à l’ouverture de procédures juridiques plus rapides dans d’autres pays qui ne seront pas soutenues par HCU (cf. la lettre/mailing d’intentions de PANArt du 18 septembre 2024 à ce sujet).
La « phase 2 » du procès devrait démarrer dès la fin de la procédure d’appel débutée en septembre 2024 pour une durée estimée à moins d’une année. Elle vise à établir la limite exacte entre inspiration et plagiat, cela déterminera avec précision le périmètre du droit d’auteur de PANArt. Vu que le tribunal avait déjà rejeté à 100% l’argumentation de HCU concernant les 4 points clés identifiant le Hang, il faudra peut-être tout de même s’attendre à devoir composer avec des contraintes que nous considérions jusque-là comme « non acceptables » (cf le refus de stopper le procès durant la période de « settlement » en 2023 lorsqu’il fut proposé par PANArt d’abandonner le Ding pointant vers l’extérieur, cela avait été rejeté par une majorité de makers qui considéraient que c'était une caractéristique fonctionnelle). En commentant le verdict de juillet 2024, les deux parties étaient arrivées à des conclusions opposées : HCU écrivit que le périmètre de ce droit d’auteur sera considérablement réduit lors de la seconde étape du procès et, à l’opposé, PANArt annonça avoir confiance dans le fait que la justice considèrera que les handpans de Ayasa, Soma sound sculpture, YataoPan, World of handpan, Thomann, Terré, … (liste non exhaustive) seront considérés comme des contrefaçons/plagiats. La liste des entités actuellement impliquées doit aussi être vue comme porteuse d’une sous-liste cumulant probablement plus d’une centaine de handpans différents et il va falloir juger lesquels enfreignent ou pas le droit d’auteur. Des avis de spécialistes sont nécessaires pour imaginer les scénarios possibles mais le bon sens laisse imaginer qu’aucun juge ne va trouver la motivation d’analyser en détail chaque instrument et cela pourrait avoir une influence… Comme indiqué précédemment, il pourrait aussi être intéressant pour PANArt de tenter d’avoir un « jugement de phase 2 » dans un autre procès plus rapide qu’ils pourraient débuter dans un ou plusieurs autres pays que ceux actuellement impactés (Suisse, Allemagne et Pays-Bas).
L’issue idéale serait celle qui reconnaitrait la créativité de PANArt et permette aux makers de handpan de poursuivre/adapter leur travail en respectant un cadre juridique clair et durable. Il me semble utile de noter ici que ce n’est pas PANArt qui menace le plus le marché artisanal du handpan. Celui-ci est bien plus impacté par la présence d’acteurs ayant une approche de production de masse et qu’aucune issue à ce procès contre PANArt ne protègera véritablement les artisans (je considère qu’un artisan est une entreprise qui appartient majoritairement à un ou plusieurs tuners). En effet, « sauver le handpan » dans sa forme actuelle, qui est aussi considérée comme la plus facile à industrialiser, va aussi relâcher les freins pesant actuellement sur les investissements de production de masse. C’est un des avantages de cette période d’incertitude pour les « petits » artisans, les gros investissements visant à industrialiser la production ou son commerce semblent plutôt limités en Europe depuis ces dernières années.
L’opportunité actuelle pour les artisans me semble être de profiter de cette période pour libérer à nouveau leur créativité. Ils pourraient faire évoluer le handpan dans une version moins industrialisable et défendre collectivement leur travail artisanal. Au lieu de financer des avocats, ils pourraient financer des outils à usage collectif, prototyper des nouvelles formes qui resteraient libre d’usage (à faire avant qu’un acteur opportuniste ne s’approprie le dessin de ce qui sera le « handpan v2 » et ne force les autres makers dans des positions de dépendance). Ils pourraient financer des travaux de recherche et d’outillage pour alléger l’usure corporelle liée aux métiers de maker et tuner, ils pourraient financer une union professionnelle qui les rassemble autour des intérêts qu’ils ont en commun…
... suite de l'histoire à la prochaine mise à jour ...
2) Vous êtes encore là ? ;) parlons des coques, point de départ de tout projet de fabrication de handpan
Lorsque nous avons démarré notre projet en 2010, le problème principal pour créer des handpans était de former à la main les coques servant de matière première. Nous avions initié un projet de création d'un outil d'emboutissage mais les coûts d'un tel outillage étaient trop importants pour oser se lancer seul dans cette direction. Quelques années plus tard, d'autres apprentis démarraient des projets un peu partout en Europe et nous avons proposé de partager une future production des coques embouties pour rendre possible la construction de l'outillage. Un groupe de 5 fabricants accepta de prendre le risque de soutenir le projet (sans savoir si les coques leur conviendraient) et nous avons collectivement décidé des dimensions des futures coques. J'ai alors construit l'outil d'emboutissage avec une entreprise de prototypage industriel et choisi un lot d'acier que j'ai acheté... De 2014 à 2018, nous avons produits plusieurs séries de coques qui sont devenues identifiables sous le nom de coques Shellopan. Elles ont été utilisées par différents apprentis fabricants dans le monde entier. Nous avons aussi accueilli de nombreux visiteurs souhaitant apprendre les bases de notre travail dans notre atelier. La demande de matière première est devenue de plus en plus forte et notre intention d'aider les apprentis fabricants que nous étions tous se transformait en travail de sous-traitance générant des dépendances économiques et une charge de travail musculaire qui devenait insoutenable. Nous avons donc choisi mettre fin à la vente de matière première en espérant aussi favoriser la diversité des futurs instruments fabriqués. Depuis 2017, d'autres projets de fabrication de matière ont donc commencé à proposer de la vente de coques embouties, malheureusement il n'y a pas eu de diversification et la forme dessinée en 2014 est devenu un sorte de standard repris par la majorité des nouveaux fabricants de matière première.
Avant de réaliser des coques, la toute première étape est de trouver sa matière première. Elle aura un impact sur le son presque aussi important que celui résultant du travail de l'accordeur.
Le plus classique utilisé actuellement est l'acier doux norme DC04. C'est un acier à emboutir avec une faible teneur en carbone et autres éléments d'alliage. La référence d'acier "DC04" est bien connue depuis les publications de l'entreprise PANArt. Cette référence n'est pas une garantie d'obtenir un bon acier en raison de la trop grande tolérance de la norme. Il est assez facile d'obtenir un mauvais acier DC04 surtout avec les marchandises importées. Aussi, les meilleurs paramètres favorisant l'emboutissage ne sont pas de meilleurs paramètres pour la gestion des stress que nous voulons induire dans la tôle lorsque nous la travaillons, il nous faut donc trouver la bonne "balance" quand nous choisissons un nouveau batch d'acier (chez Shellopan, il nous arrive souvent de devoir attendre plus d'un an avant de pouvoir acheter l'acier qui nous convient). Cet acier nécessite d'etre nitruré (voir point suivant).
Depuis quelques années, une nouvelle mode émergea dans le milieu du handpan et consista à utiliser de l'acier inoxydable. Le type d'inox utilisé est dit ferritique (430), cet un inox sans nickel et donc peu couteux principalement utilisé pour faire du mobilier de cuisine, des pots d'échappement ou encore des bacs de friteuses ! L'impact sur le son est très caractéristique en donnant plus de sustain au son de l'instrument avec un decay très linéaire (le decay est plus en "cascade" avec l'acier ce qui favorise un jeu plus rapide). L'instrument devient encore plus facile à jouer pour les débutants. L'instrument aura une dynamique particulière qui se prêtera bien à un jeu en extérieur ou une jeu méditatif lent mais pourra devenir plus fatigant pour les oreilles lorsqu'il est joué en intérieur car son son deviendra facilement une sorte de soupe sonore où tout se mélange. Nous considérons que de tels instruments ont un coté flatteur et cela peut devenir trompeur pour le client "débutant". Pour pallier au coté parfois jugé comme trop fatigant, une nuance d'inox allié à du titane/niobium (441) est désormais utilisée mais le son reste tout de même celui d'un inox et n'est jamais comparable avec celui de l'acier nitruré.
La méthode de formage et d'accordage devra être adaptée à la matière utilisée. Indépendamment du travail de l'accordeur, le timbre sonore de l'instrument sera très impacté par le choix du matériel de base. Nous pensons donc qu'il est important pour un fabricant de handpan de connaitre les caractéristiques physiques et chimiques de la tôle qu'il achète.
Différentes méthodes de formage des coques :
(par ordre de préférence personnelle croissante, avantages et défauts entre parenthèses) :
- martelage manuel au fouloir pneumatique (+ pas cher / + contrôle possible de l'épaisseur avec l'expérience / - risque pour la santé, éprouvant pour les muscles et les articulations)
- repoussage manuel ou commande numérique (+ pas cher / + facilité de former l'évent de la coque du dessous / - problème d'épaisseur inconsistante, la tôle s'affine plus on s'éloigne du centre)
- hydroformage (+ facilité de choix de la profondeur de la coque, - impossibilité de contrôler la répartition de l'épaisseur, la coque finale est parfois plus fine au centre d'environ 20%, nous avons éliminé cette technique pour cette raison)
- repoussage dans des cerclages (+ contrôle de l'épaisseur possible selon outillage / - besoin d'une tôle plus épaisse au départ car le repoussage ne fera que affiner la matière / - rainures marquées dans la surface)
- emboutissage sur presse hydraulique, c'est la méthode utilisée par Shellopan dont la première version de l'outillage est visible ici (+contrôle de l'épaisseur de la tôle avec possibilité de laisser rentrer de la matière depuis le serre flan, - outillage couteux et besoin d'une presse de grande dimension)
L'une caractéristique très importante concerne la répartition de l'épaisseur après formage de la coque (cf photo ci-dessous de la répartition des épaisseur pour une coque emboutie Shellopan, mesure par sonde ultra son).
3) notions concernant la nitruration
Le choix d’un acier à emboutir à faible teneur en carbone (exemple : DC01 à DC05) impose de réaliser un traitement visant à modifier ses propriétés méchaniques (dureté, résistance élastique, comportement à l'écrouissage...).
Le principe le plus utilisé est la nitruration dont les principes appliqués à un instrument de musique en métal ont été détaillés en l’an 2000 par l’entreprise PANArt Hangbau AG (Conference on New Developments of the Steelpan – Paris – 20/05/2000).
Nous pouvons distinguer 3 approches concernant la nitruration :
- une nitruration très courte créant 3 strates dans la matière : une couche de combinaison (couche blanche), une couche de diffusion puis la couche centrale d'épaisseur variable dont les caractéristiques de la matière n'ont pas ou peu été modifiées. Le protection contre l'oxydation est acceptable mais il est possible de tenter de l'améliorer par une procédure de post oxydation. D'après mon expérience, les instruments réalisés avec ce type de matière ont généralement un sustain plus long.
- une nitruration moyenne créant 2 strates dans la matière telle que présentée dans les publications de PANArt en l'an 2000 : il en résulte une couche de combinaison puis une couche de diffusion jusqu'au coeur de la matière. La dureté en surface est environ 2x supérieure à la dureté à coeur. C'est le type de nitruration que nous utilisons.
- une nitruration longue telle que présentée dans le brevet que proposait PANArt pour obtenir une certaine densité de nitrures précipités. C'est une nitruration qu'aucun fabriquant de Handpan ne semble utiliser. PANArt l'utiliserait depuis les Hang dit "integral". Je n'ai jamais pu tester une telle matière et ne peux donc pas faire de commentaire sur ses caractéristiques.
4) Physique des matériaux et importance de l'approche scientifique
Il est possible de fabriquer des instruments de musique en se contentant d'accorder des coques disponibles sur le marché mais il me semble que démarrer un véritable projet artisanal lié aux caractéristiques physiques du métal devrait être accompagné d'une étude de ces caractéristiques. Je n'ai pas la prétention de faire un cours à ce sujet mais pour ne pas se limiter à parler d'un métal dur ou mou, je peux tout de même inviter les lecteurs à se renseigner sur les notions suivantes :
- résistance à la rupture
- allongement avant rupture
- élasticité et module de Young
- écrouissage
- anisotropie
- résistance à la fatigue
- notion de stress compressifs
- notion de recuit
- necking phenomenom
- aging phenomenom
- les principes de la nitruration
- différences entre drawing steel, solid solution steel, bake hardening steel, high strength IF steels
Globalement, être capable d'expliquer les différences entre rigidité, résistance, raideur et dureté est le signe d'une bonne compréhension :)
Les enjeux dans notre domaine d'activité seraient de comprendre l'incidence de tous ces paramètres :
- sur le timbre d'une note et d'un instrument dans sa globalité
- sur son style de préparation des notes et d'accordage.
Des informations intéressantes peuvent être trouvées dans les travaux de recherche de PANArt et de Anthony Achong. Daniel Bernasconi de SOMA Sound Scluptures en Suisse a choisi de publier une synthèse de ses recherches ici : "science of sounding steel".
5) L'atelier et L'outillage
Avoir un lieu de travail est le tout premier impératif pour fabriquer des handpans, j'ai déjà vu des atelier entre 5m² et 2000m²...
Le notre est un garage double de 25m² :
Bien que certains outils coûteux peuvent être mis en commun, certains deviennent très personnels comme par exemple les marteaux. Chacun aura bien sûr ses propres préférences et voici une liste générique des outils nécessaires pour commencer un projet de fabrication de handpans
- nettoyage des coques : scotch brite grain 180 à 1000 sur meuleuse d'angle, solvant/dégraissant type "essence F" ou alcool isopropylique dans un espace ventilé et avec masque de protection combinée norme A2P3 (important).
- nitruration : un rack supportant les coques et espaçant les coques dans le four permet d'éviter toute déformation
- emboutissage des dimples ou des notes + dimples : empreintes mâles en acier et/ou caoutchouc et femelles en acier + presse <20 tonnes. Vous trouverez ici un outil pour faciliter le calcul des tailles des notes et des dimples : shellopan - note et dimples ratio.xlsx (faire clic droit, enregistrer la cible en cas de difficulté à afficher le fichier, bien lire les questions réponses en bas de fichier). Attention emboutir des notes en même temps que les dimples ne dispense pas d'un gros travail interstitiel (shaping), il peut même le rendre plus compliqué.
- fabrication de l'évent pour la coque du dessous : empreintes mâles et femelles + presse <5 tonnes + plateau de maintien tournant + marteau de carrossier 1kg
- formage de la coque entre les notes : cerclages pour maintenir la jante de la coque + fouloir pneumatique (mot clé : GS-0838E) + avec différentes têtes + compresseur d'air. Attention l'usage d'un fouloir pneumatique est particulièrement usante pour le corps en raison de l'exposition aux vibrations, certaines mesures indiquent une durée d'exposition de maximum 8 minutes par jour. Un système de réduction des vibrations est donc indispensable (mise à jour à venir à ce sujet 08/2024)
- recuit : four de taille adaptée et pouvant tenir jusqu'à 400°C (en général ce sont des fours faisant minimum 4kW)
- martelage : set de marteaux et maillets (soulpan.hammers et panmaker.eu)
- accordage : marteaux, stand d'accordage (plans diy disponible ici, clic droit pour télécharer le fichier DWG), outil d'analyse audio (exemples : linotune, overtone analyser, peterson mechanical strobe tuners)
- collage : un pistolet à colle adapté aux mastics épais est vivement recommandé, certaines personnes utilisent un pistolet électrique pour faciliter cette étape (oubliez les produits bas de gamme à ce sujet, ils n'auront pas la force suffisante).
6) Se protéger : équipements individuels
L'activité de maker expose le corps à des risque d'usure, de maladie et d'accidents. Voici certains des meilleurs équipements de protection que nous avons trouvé à ce jour :
- protection auditive : 3M PELTOR X5
- gants anti vibration : EJENDALS - Tegera 9180 (taille un peu petit, prendre une taille au dessus)
- protection respiratoire pour meulage ou usage de solvants : 3M VERSAFLOW TR-600 + casque M-206
- gants protection chimique : ATG MaxyDry
- protection poignet : MID300
7) Réduire les vibrations lors du martelage pneumatique
Pour une majorité de makers de handpan, l'activité implique l'usage de marteaux pneumatiques provoquant une quantitée de vibrations absorbées par le corps bien supérieure à la dose qui serait tolérable pour un employé salarié. Pour se faire une idée des ordres de grandeurs, si je devais recruter quelqu'un en France pour faire ce travail de martelage pneumatique, le niveau de vibrations auxquelles il serait exposé m'interdirait de lui demander plus de 8 minutes de ce travail par jour. L'exposition aux vibrations est responsable de maladies professionelles handicapantes touchant les muscles, les articulations et le système nerveux (je laisse à chacun le soin de faire ses recherches à ce sujet).
Pour protéger ma propre santé, j'ai conçu un système antivibration pouvant s'adapter à toute station de shaping. Je propose désormais cette solution sous la forme d'achat groupé pour optimiser son coût et la rendre accessible à d'autres makers. La solution actuelle est dédiée au marteau "GS-0838E" 1500 coup/minute et à toutes les têtes en plastique ou Delrin, elle permet de travailler l'acier nitruré et l'inox jusqu'à environ 5 bars de pression (idéal à 3.5 bars).
Cette solution est basée sur un bras articulé à ancrer au sol ou à la station de shaping ou encore au plafond (meilleur placement de la base du bras à 45cm au dessus de la hauteur de la jante de la coque devant être travaillée, la base du bras à un diamètre de 12cm et se fixe avec 4 vis M10). Il permet de choisir rapidement le point pivot du marteau tout en assurant une résistance à la contre-force provenant des impacts du martelage, s'ajoute à cela un mécanisme fluidifiant le mouvement du marteau dans toutes les directions et assurant un guidage précis tout en absorbant une grande quantité de vibrations. L'opérateur peut tenir le marteau sans crisper sa main dessus et cela réduit encore le niveau de transmission au corps des vibrations.
Pour les personnes interessées, je reçois à mon atelier pour faire des tests sur rendez-vous et il est possible de repartir avec son propre kit anti-vibration (venir avec ses propres marteaux ou à minima ses propres têtes sur filetage M10 et sa propre matière première prête à shaper). L'ensemble est fabriqué en Europe et le prix est de 2900€HT. Le kit contient le bras articulé, les pièces de connection avec le marteau pnaumatique et une pédale de contôle au pied. Il vous faudra gérer vous-même la fixation du bras, les tuyaux d'air et ajouter votre marteau pneumatique et vos têtes de martelage. Me contacter par email pour plus d'infos (matthieu (at) shellopan.fr).
8) Ressources de formation en vidéo
Voici une video en deux parties que j'ai réalisée durant le "grand confinement" pour servir de ressource pédagogique dans le cadre du programme de sciences de certaines classes de lycée en France. Il y a de la théorie générale sur le son et je termine par une démonstration d'accordage d'une note de handpan.
Voici pour finir, une vidéo présentant un éventail de possibilité d'accordage des modes de vibration les plus élevés de la note centrale (shoulder tones) :